Portrait de boss : Sofia Coppola, retour sur les films de la réalisatrice fracassante indépendante

Téa Antonietti 02 janvier 2024

Alors qu'elle revient en salles ce mercredi 3 janvier 2024 avec "Priscilla", un biopic sur celle qui fut la moitié d'Elvis Presley, s'impose une rétrospective sur la délicate et profonde filmographie de Sophia Coppola, boss du cinéma indie. 

Née d'un père maître du 7e art qui la berce derrière et devant les caméras dès ses premiers mois, Sofia Coppola naît dans une sphère enchantée qu'elle ne va pas tarder à s'approprier. Si elle témoigne d'une première aspiration mode, d'abord chez Chanel aux côtés de Karl Lagerfeld à Paris, puis dans les draps de Marc Jacobs en muse amusée, ou encore en un essai à la création pour Louis Vuitton et Milk fed, sa propre ligne de vêtements... Sofia Coppola préfère le cinéma et ne restera dans la planète fashion qu'icône mode, rien que ça. 

De jeunes, très jeunes débuts d'actrice sur les plateaux de tournage de Tim Burton, George Lucas et son propre père, Francis Ford Coppola, puis un essai en tant que scénariste, assistante de la photographie et même costumière... Les planètes s'alignent enfin pour la réalisatrice lorsqu'elle imagine son tout premier court-métrage "Lick the star" qui définit son esthétisme féminin et mélancolique respirant la jeunesse. 26 ans plus tard, Sofia Coppola nous installe pour la 8e fois au cinéma pour découvrir son biopic "Priscilla", ultime lettre d'amour à une émancipation de femme en velours. Retour sur la filmographie mélancolique et veloutée de la réalisatrice indie de sa génération. 

De sa lignée dorée à son envolée 

1972 : Une filmographie qui commence en famille avec "Le Parrain"

Un baptême pas comme les autres : alors qu'elle n'a que quelques mois, Sofia Coppola figure dans le chef-d'œuvre de son père "Le Parrain". Une naissance déjà située sous les feux des projecteurs, la "fille de" est aussi la sœur du réalisateur Roman Coppola, la nièce de l'actrice Talia Shire et la cousine des acteurs Nicolas Cage, Robert Carmine et Jason Schwartzman.

Crédits : Premiere Crédits : Premiere

Si ce petit premier rôle lors de la scène du baptême marque une entrée dans le 7e art par la grande porte, son retour dans les studios Cinecittà à Rome pour le troisième volet du film à succès alors qu'elle n'a que 18 ans, n'est pas acclamé par la critique. Remplaçante de dernière minute suite à l'abandon soudain de Winona Ryder, Sofia Coppola incarne la fille de Michael Corleone dans "Le Parrain III" pour rendre service à son père hors caméra. Ce rôle lui vaut d'ailleurs le Razzie Award de la pire révélation de l'année et du pire second rôle féminin... 

1998 : Une apparition furtive dans Star Wars et un premier court métrage

Si sa performance dans "Le Parrain III" ne lui vaut pas une royale acclamation, Sofia Coppola ne s'éloigne pas pour autant du cinéma, dont elle s'éprend avec passion. Elle ne se sent pas mieux que sur un plateau de tournage et s'essaie à nouveau devant la caméra, en apparition dans le film de son frère Roman Coppola comme pour le blockbuster de Georges Lucas "Star Wars : La Menace Fantôme", aux côtés de Natalie Portman.

Crédits : X Crédits : X

Si ses apparitions sont plus amusantes que signifiantes, la jeune femme trouve réellement du sens en réalisant le court-métrage "Lick the star". Aussitôt, on assiste au portrait pas si évident de l'errance même de l'adolescence, incarnée par des héroïnes fascinantes, devenant ainsi le cheval de bataille de Sofia Coppola, réalisatrice aussi touchante que fracassante

1999 : "Virgin Suicides", sa première fois au cinéma

En 1999, comme si elle perdait sa virginité sans se protéger, Sofia Coppola réalise son premier long-métrage sans filet de sécurité et pénètre dans la cour des grands avec "Virgin Suicides". Un drame cotonneux qui fait le portrait de 5 adolescentes mélancoliques à qui une Amérique des années 70 austère refuse l'émancipation. 

Crédits : Premiere Crédits : Premiere

Ce sont les premiers émois de la réalisatrice avec le cinéma indépendant et féministe, avec Kirsten Dunst, et avec des héroïnes girly, qui, enfermées dans une cage dorée, trouvent une tragique porte de sortie. Présenté à la Quinzaine des Réalisateurs du Festival de Cannes, le film croule sous les applaudissements

2002 : Un Oscar du meilleur scénario pour "Lost in Translation"

Si à l'écran, la love story poétique entre Scarlett Johansson et Bill Murray crève les yeux, derrière la caméra, Sofia Coppola est amoureuse du spleen, dont elle fait l'éloge juste et profond. Deux Américains perdus séparément dans un Japon inconnu se trouvent. Est brillamment exploitée la question de la solitude, même lorsque notre travail connaît un grand succès, même lorsque notre mariage nous a offert la paix.

Crédits : L'obs Crédits : L'obs

Cette rencontre lumineuse vient éclairer le sens même de la relation amoureuse et sa modernité chaleureuse fait de "Lost in Translation" son meilleur film selon bon nombre de ses fans et son meilleur scénario selon l'Académie des Oscars. Après "Virgin Suicides", c'est décidément un succès pour Sofia Coppola en faveur de la critique qui salue haut la main son authentique personnalité d'auteur. Sa carrière de réalisatrice se hisse au sommet du cinéma indépendant, justement dans l'air du temps

Sofia Coppola et ses héroïnes

2006 : Marie-Antoinette choque la Cour du Festival de Cannes 

En 2006, pour son nouveau film, Sofia Coppola quitte la modeste chambre d'hôtel de "Lost in Translation" pour une folie des grandeurs : Versailles. Il est attendu comme un biopic des plus traditionnels, et la réalisatrice s'empare de Marie-Antoinette pour en faire son portrait moderne, aussi pop que mélancolique. Parce qu'avant Louis XVI, la Cour et ses corsets, Marie-Antoinette est une adolescente en quête de bonheur dans un monde d'ennui. Présenté au Festival de Cannes, le film historique teinté d'anachronismes déplaît, bien que dans le thème, Sofia Coppola en a fait sa révolution.  

Crédits : Vanity Fair Crédits : Vanity Fair

Dans son film qui marque le 3e long-métrage de sa carrière de réalisatrice, Sofia Coppola mêle le Versailles de Lully à la culture rock de The Strokes, Marie-Antoinette à une teenager éternelle qui ne jure que par les macarons à la rose et la démesure... Derrière un univers pop et sucré, teinté de robes à volants pastel, de coiffes qui touchent le ciel, mille souliers en soie Manolo Blanik et une paire de Converse, se cache une jeune femme aux désirs modernes qui cherche à s'émanciper. La reine de France est cool et dépoussiérée, mais sa destinée, elle, est triste et rasoir...

Crédits : La cinémathèque québécoise Crédits : La cinémathèque québécoise

2010 : Elle quitte Versailles pour le Chateau Marmont de "Somewhere"

Après la démesure de Versailles, Sofia Coppola met le cap en direction du Chateau Marmont, temple des célébrités en tournage à Hollywood, pour y peindre une débauche de luxe plus actuelle. Cette fois-ci du point de vue masculin d'un acteur dépassé par la décadence que sa fame lui a entraîné, entre soirées à répétition et filles dont il fait la collection, tout est remis en question lorsqu'il rencontre sa fille Cleo (révélant Elle Fanning), âgée de 11 ans. 

Crédits : MoMa Crédits : MoMa

Est une fois encore posée la question de la solitude : pourquoi sommes-nous seuls même entourés ? "Somewhere", le quatrième film de Sofia Coppola propose une réflexion sur le bonheur et prouve que l'argent ne peut éternellement nous combler. Nouvelle cage dorée au spleen assumé, la réalisatrice place souvenirs et sentiments personnels passés au cœur de son processus créatif pour imaginer le portrait d'une relation père-fille aussi pudique qu'authentique. 

2013 : Emma Watson brille dans "The Bling Ring"

Si Sofia Coppola, elle, est née dans une bulle privilégiée, "The Bling Ring" s'intéresse à une jeunesse rêveuse influencée par la téléréalité et les paparazzades de célébrités stylées. Aspirant à briller comme leurs stars préférées, une bande de filles fascinées par le bling bling qui fait scintiller Los Angeles décide de cambrioler les villas de Paris Hilton, Lindsay Lohan, Orlando Bloom...

Crédits : Entertainment Weekly Crédits : Entertainment Weekly

Se glisser dans les escarpins roses de Paris Hilton permettrait-il de faire un pas vers la célébrité ? Emma Watson incarne cette génération obsédée par l'image, le luxe et les people qu'elle traque à tout prix sur Internet. Bien loin de la sage élève modèle de Poudlard, l'actrice interprète avec sarcasme ses contemporains qui, après avoir volé pour plus de 3 millions d'objets de stars, les postent sur Facebook comme des trophées sans savoir qu'il s'agit des vanités de leurs rêves jamais réalisés... 

2017 : Vengeance féminine avec "Les Proies"

10 ans après le scandale de "Marie-Antoinette" à Cannes, Sofia Coppola prend sa revanche sur le genre historique avec sa version du roman de Thomas Cullinan "Les Proies". Pour ce faire, elle réunit ses fidèles Kirsten Dunst, Elle Fanning et pour la première fois Nicole Kidman dans un huis clos vénéneux, entre pulsions et frustrations... 

Crédits : France Info Crédits : France Info

Des performances féminines intenses et morbides rendent palpitant le quotidien présumé tranquille d'un pensionnat pour jeunes filles en pleine guerre de Sécession... Résultat des courses : une élégance de la mise en scène qui lui vaut une récompense au Festival de Cannes en 2017.

2020 : Elle croise à nouveau le chemin de Bill Murray avec "On the Rocks"

Alors qu'elle signe une nouvelle fois Bill Murray pour faire la rencontre étonnante de Rashida Jones et former un duo paternel drôle et surprenant, les deux protagonistes sont perdus avant de se retrouver. Si le film "On the Rocks" présente une quête amusante menée des suites d'une tromperie déstabilisante, on retrouve surtout un choc générationnel résolument tendre, soit une nostalgie père-fille qui connaît la réalisatrice.  

Crédits : Another Gaze Crédits : Another Gaze

2024 : "Priscilla", sa dernière ode féministe inspirée de la muse Presley

Dans son biopic "Priscilla", Sofia Coppola fait le portrait en profondeur de Priscilla Presley, la muse du grand et effrayant Elvis incarné par Jacob Elordi, au milieu de toute la beauté et l'obscurité qui bercent sa vie. Inspirée des propres dires de Priscilla Presley et de son autobiographie "Elvis et moi", la cinéaste souhaite représenter au mieux le point de vue de l'héroïne dès les prémices de sa romance avec le King, alors qu'elle n'avait que 14 ans et lui 24. 

Crédits : A24

Soit un huitième opus qui, après "Marie-Antoinette" et "Virgin Suicides", capture sous un nouvel angle la question de l'identité et la notion de transformation lors du passage à l'âge adulte. Une réponse à l'hommage "Elvis" de Baz Luhrmann, dans lequel, selon la réalisatrice, Priscilla était "à peine un personnage". Sofia Coppola n'a pas peur de briser une partie du mythe autour de l'artiste et se réjouit à l'idée de dévoiler aux spectateurs du monde entier cet épisode de la vie de Priscilla, d'après Priscilla. Un film évènement que l'on peut retrouver dans les salles de cinéma ce 3 janvier 2024

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Tags : film, Cinéma

Téa Antonietti
Rédactrice Mode & Lifestyle
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