Les femmes sont-elles égoïstes de préférer leur carrière à leurs enfants ?

Juliette Gour 03 février 2023

Pourquoi avons-nous toujours tendance à croire qu'une mère qui préfère son travail à ses enfants est une mère égoïste, alors qu'on ne reprocherait jamais ça à un homme ?

Il y a certaines habitudes qui ont la vie dure... Et étrangement, elles touchent souvent la perception que l'on a des femmes. La faute à la société, qui nous a poussés à intégrer certains schémas de pensée. Dans cette grande famille des choses que l'on reproche aux femmes, il y a évidemment les injonctions sur le physique (qui ont encore de beaux jours devant elle), les inégalités salariales (en France, une femme est encore payée 19% de moins qu'un homme) et il y a aussi le regard, les jugements que l'on porte sur les comportements des femmes. 

Dans son livre "Sans Patriarcat", Mathilde Morringan s'amuse à imaginer à quoi aurait ressemblé notre monde s'il n'y avait pas eu toutes ces injonctions sociétales qui contraignent les femmes. L'une d'elles est évidemment liée à la condition physique : ce sont les femmes qui portent les enfants, ce sont donc à elles qu'incombent toutes les tâches qui sont liées au foyer et à la famille. Pour schématiser, les hommes vont au turbin pendant que les mères s'occupent de la marmaille.

On pourrait croire ce schéma "naturel" révolu, mais il y a de nombreux signes qui prouvent que l'on n’a pas encore totalement réussi à réduire cette idée en miettes. Par exemple, selon l'Insee (en 2013) seul un homme sur neuf cesse temporairement de travailler pour s'occuper de son enfant, contre une femme sur deux. Si en 2022, près de 70% des hommes ont profité de leur congé paternité (CEREQ), les jugements se font encore très présents. Il suffit de demander aux femmes/mères qui ont décidé de ne pas avoir à choisir entre leur maternité et leur carrière, elles finissent toujours par être questionnées par les autres femmes et on les traite même parfois d'égoïstes. 

Pourtant, étrangement, on accuserait jamais un homme d'égoïste s'il préférait privilégier sa carrière plutôt que ses enfants. Finalement, lui ne ferait que respecter son rôle. Mais est-il encore nécessaire de réduire les gens à leur genre, passé 2022 ? Est-ce qu'il n'est pas temps d'arrêter de croire qu'être mère et carriériste est incompatible ? 

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La réalité des femmes, c'est de vivre dans la culpabilité permanente  

Si nous avons depuis longtemps intégré cette idée que le rôle d'une femme/mère était de prendre soin de l'autre (de son époux, de ses enfants, de sa famille), nous avons également indirectement créé un autre phénomène : la culpabilité maternelle. Ce phénomène est un ensemble de ressentis et d’émotions qui poussent la mère à croire qu'elle n'est jamais assez ou qu'elle est trop. Jamais assez impliquée, trop impliquée, trop détachée, pas assez aimante, trop distante, qu'elle délègue trop. Et les remarques des personnes autour n'aident en rien. Si on cumule les remarques de la belle-mère, celles des amies et des collègues féminines, on finit par se noyer sous un océan de reproches qui ne font qu'ajouter encore plus de peine au quotidien des mères. 

Cette culpabilité peut parfois venir s'ajouter aux symptômes de la dépression post-partum, créant ainsi un cocktail explosif qui risque de se terminer en véritable burn-out maternel. 

Si l'on fait le parallèle avec les hommes, personne ne reprochera jamais à un père de ne pas en faire assez. En revanche, chaque petite action - normale pour les mères - sera relevée et le père sera félicité (pour simplement avoir joué son rôle de pair). Il existe donc encore une dichotomie tenace dans notre société en ce qui concerne la perception des rôles en fonction du genre et la culpabilisation des mères ne fait qu'accentuer ce phénomène. Continuer à penser que les mères qui font le choix de retourner travailler sont égoïstes, c'est entretenir de vieux dogmes qui ne sont plus réellement en phase avec nos sociétés actuelles. Encore plus en occident, dans des pays où la pression patriarcale est moindre.

Des préjugés qui pourraient avoir un impact sur le taux de natalité

Continuer à entretenir l'idée qu'une femme ne peut pas être mère et avoir une carrière, c'est directement tirer une balle dans le pied au taux de natalité d'un pays. Il suffit de se pencher sur les différentes sociétés d'Asie de l'Est pour comprendre à quel point des idées rétrogrades peuvent avoir un impact sur la pérennité d'un pays. Les deux pays ayant les plus bas taux de natalité au monde sont la Corée du Sud (0,81 enfant par femme) et le Japon (avec 1,3 enfant par femme). Ces deux pays, aussi puissants soient-ils, se retrouvent aujourd'hui avec un problème de taille : leur démographie est en chute libre et leur population est vieillissante.

La raison de cette chute est notamment expliquée par l'obligation sociétale qui veut que les femmes arrêtent de travailler une fois qu'elles sont mariées ou qu'elles sont mères. Quand bien même elles décideraient de ne pas suivre les règles et de retourner au travail après la naissance de leur enfant, leur réintégration dans la société serait mise à mal par les supérieurs masculins. Bilan des courses, les jeunes femmes japonaises et sud-coréennes préfèrent ne plus avoir d'enfants et rentabiliser leurs longues études en réussissant professionnellement

Une situation similaire est en train d'arriver en Allemagne où le taux de naissance est en chute libre (1,5 enfant par femme, 13e pays de l'UE). En cause, une crise qui met à mal la santé financière des jeunes et, surtout, des entreprises qui ne proposent pas de solutions adaptées aux familles. Sans une réadaptation de la situation, l'Allemagne, malgré un regain des naissances post-covid, pourrait voir sa population baisser d'année en année.

Prendre conscience de la réalité du quotidien des mères qui travaillent

En 2018, la marque américaine Welch's a publié une large étude qui a été reprise dans de nombreux médias à l'internationale. Les résultats parlent d'eux-mêmes : une mère qui a un travail à temps plein travaille, en moyenne 98 heures par semaine (avec moins d'une heure de pause par jour). Pour rappel, au Japon (qui est l'un des pays qui a les plus grosses semaines de travail au monde), le maximum se situe autour de 60 heures par semaine. 

Cette réalité découle sur une autre : ce n'est pas parce qu'une mère fait le choix de retourner travailler qu'elle est dispensée de toute la charge mentale qui incombe généralement aux femmes. Les tâches ménagères et tout le travail lié à l'éducation des enfants ou à la santé de la famille sont toujours à la charge des mères, quelle que soit leur situation professionnelle. 

L'une des chercheuses de l'étude a d'ailleurs complété les résultats en déclarant que "les résultats du sondage soulignent à quel point le rôle de maman peut être exigeant et qu'il peut représenter un flux continu de tâches".

Toutes ces choses mises bout à bout, difficile de continuer à croire qu'une femme/mère qui fait le choix de reprendre le chemin du travail est une femme égoïste. Chaque famille est différente et chaque femme est en droit d'endosser (ou non) le job de maman comme bon lui semble. 

 

Tags : société, féminisme, parents

Juliette Gour
Chef de rubrique Bien-Être & Beauté
Amoureuse de la K-beauté, Juliette est également une experte en skincare, vous dévoilant les secrets des masques et des nouvelles routines beauté adoptées par vos stars préférées. Suivez cette passionnée polyglotte pour une aventure pleine de découvertes, de bien-être et de conseils avisés qui vous guideront vers une vie épanouissante et captivante. C'est grâce à sa licence en science du langage que Juliette manie comme personne les modes de pensées des différentes cultures, ce qui la pousse à voyager et à découvrir les diverses façons de penser qui enrichissent son approche du monde.

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