Les effets collatéraux de la pandémie de Covid-19 n'ont pas fini de nous surprendre. Après l'envol de la consommation d'alcool à la maison, c'est au tour du taux de tabagisme de décoller.

Dans une étude publiée ce mercredi dans son bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH), Santé publique France fait état d'une hausse significative du tabagisme chez les populations les plus défavorisées. "Entre 2019 et 2020, la prévalence du tabagisme quotidien a augmenté de 29,8 % à 33,3 % parmi le tiers de la population dont les revenus étaient les moins élevés", ont écrit les rédacteurs de l’étude. Les chercheurs ont analysé les réponses de plus de 14 000 personnes entre janvier et juillet 2020. Ils ont également observé une prévalence du tabagisme quotidien beaucoup plus élevée chez les personnes titulaires du seul baccalauréat ou chez les chômeurs (43,9 % en 2020).

Le tabagisme comme premier indicateur d'inégalité sociale

En France, la corrélation entre tabagisme et pauvreté ne date pas d'hier. Pour Fabienne El Khoury, chercheuse en épidémiologie sociale à l'Inserm, le tabac est même "le principal indicateur d’inégalité sociale en France". Depuis près de 20 ans, les études sociologiques menées sur le tabagisme ont montré une consommation de tabac plus importante chez les individus aux revenus modestes.

En cause, l'absence de perspective

Dans un article intitulé "Pauvreté, 'présentisme' et prévention", les sociologues Clément Tarantini, Chantal Vergélys et Patrick Peretti-Watel ont montré que l'absence de stabilité et de perspectives à long terme pour des personnes en situation précaire contribuait à accroître leur consommation de tabac. "Les fumeurs interrogés ont tous le projet d’arrêter. […] Mais l’arrêt projeté est renvoyé à plus tard, lorsque 'ça ira mieux', dans un futur hypothétique conditionné par une amélioration des conditions de vie", écrivent les auteurs.

L'impact négatif de la pandémie sur la santé mentale et le tabagisme

Si la pandémie n’a rien créé, elle a cependant renforcé cette tendance. Au mois d’avril, l’association Addictions France alertait sur la hausse des pratiques addictives depuis le premier confinement. "56 % des personnes en situation financière difficile admettent qu’il était difficile de maîtriser certaines consommations à risques en période de confinement (contre 38 % en moyenne)", indiquait l’étude.

Durant cette période de crise sanitaire, la santé mentale des Français s'est détériorée. "Les conditions de travail souvent difficiles, la forte pression financière, les difficultés liées au logement ainsi que l’isolement forcé ont considérablement accru le nombre de troubles anxieux et dépressifs", souligne Fabienne El Khoury. Pour Addictions France, l’effet "soulagement" du tabac serait plus prononcé parmi les populations les plus précaires : "On va rechercher dans les produits un confort qu’on ne trouve pas dans son environnement proche", explique Olivier Tellier, membre de l’association.

Les Éclaireuses

 

 

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