Notre rapport aux poils et à l'épilation est-il en train de changer ?

Juliette Gour 10 février 2021

C'est un fait, nos poils, on adore les détester. Ils sont là et on sait pertinemment qu'ils ont une utilité, mais le poids des normes sociales et esthétiques nous pousse à les enlever, pour nous-mêmes, pour notre partenaire ou pour les autres. Mais, dans les faits, est-ce que notre rapport à l'épilation ne serait-il pas en train de changer ?

Dans la famille des problèmes féminins, nous voudrions la question du poil et de l'épilation. Qu'on le veuille ou non, la question du poil (ou plutôt de son absence) reste un problème cruellement genré. Les injonctions esthétiques ne sont pas les mêmes sur la question de la pilosité. Chez monsieur, on trouvera viril un torse velu, alors que madame doit présenter des jambes aussi douces que de la soie. C'est ridicule, c'est hors d'âge, mais cette idée reste bien ancrée dans les esprits.

Si les mœurs tendent à changer sur la question de l'épilation, on se rend rapidement compte, en creusant un peu, que les vieilles habitudes ont la vie dure. Que pour beaucoup de femmes, il est inimaginable de sortir les jambes velues en plein été ou de négliger ses aisselles. 

Pourtant, ce ne sont pas les mouvements de déculpabilisation qui manquent. Depuis quelques années, entre le #NoShaves ou les comptes Instagram comme @parlonspoil, nombre d'entre eux invitent les femmes à se détacher des conventions sociales et à laisser leurs poils tranquilles. Souvent saupoudré de valeurs féministes, le #noshaving est presque devenu un mouvement militant - tout du moins dans l'esprit des réfractaires.

C'est un sujet à la fois épineux et complexe, noyé sous des tonnes de règles sociales, esthétiques et des habitudes transmises de mère en fille. Mais, il semblerait que notre rapport aux poils soit en pleine évolution, tant dans le côté no-shaving que dans l'épilation à outrance. Si l'on pensait ces habitudes indéboulonnables, il semblerait que le premier confinement ait permis à bon nombre de femmes de revoir leurs habitudes épilatoires. Ainsi, on se rend finalement compte que le changement ne tient parfois qu'à une pandémie. 

Les Éclaireuses

 

Les poils, hermétiques au vent de body positivisme ? 

 
 
 
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Sur la question de l'épilation, il y a les fantasmes et il y a les faits. Si, sur les réseaux sociaux, on a l'impression qu'un vent de libération souffle sur nos poils depuis quelques années, la réalité est toute autre. Une enquête IFOP a mis en lumière l'évolution de nos pratiques épilatoires sur les 8 dernières années et, même si on note un léger impact du mouvement #BodyPositive, qui a sûrement permis détendre un peu les esprits sur la question du poil, on se rend rapidement compte que la pression sur le corps des femmes et sur la nécessité de présenter une peau sans poil est encore bien présente dans les esprits. Paradoxalement, ce ne sont pas tant les hommes qui les imposent. Même si, dans les faits, ils sont plus tatillons que les femmes sur la question du poil, notamment lié à l'idée qu'une femme séduisante est une femme sans poil, cette idée et ces injonctions sont aussi bien vives dans l'esprit des femmes. Ainsi, s'il existe un clivage entre les habitudes épilatoires des genres, les hommes sont moins nombreux à s'épiler, surtout au niveau des parties intimes, ils ont tendance à se plier aux envies de leur(s) partenaire(s) et à changer leurs habitudes, mais ce n'est pas la majorité. 

Il n'y a pas, ou peu, de relations entre les différents mouvements sur les réseaux sociaux et le changement de notre rapport au poil, globalement, le confinement nous a poussées à nous détendre sur la question de l'épilation surtout à cause de la lassitude. Parce que, dans le fond, à quoi bon prendre le temps de se dépoiler, si c'est pour rester en legging sur son canapé ? L'effet confinement a intensifié un retour au naturel déjà lentement amorcé depuis quelques années.

 

Des habitudes de plus en plus extrêmes

 
 
 
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Si la part des femmes admettant ne pas ou ne plus s'épiler tend à augmenter sur les 8 dernières années (elles sont passées de 15% à 28%), la part des femmes pratiquant l'épilation intégrale du pubis est elle aussi en augmentation. Il y a donc une faille de plus en plus profonde entre les deux pôles, c'est soit tout, soit rien. 

Dans les faits, une femme sur 4 s'épile intégralement le maillot, on note une large progression de la pratique depuis 10 ans. Longtemps réservée aux jeunes femmes, la pratique semble se démocratiser dans toutes les tranches d'âges. Initialement propulsée par les films érotiques et pornographiques occidentaux, l'épilation intégrale du pubis s'est petit à petit installée dans notre esprit jusqu'à devenir une norme. Ainsi, elles sont 56% des moins de 25 ans à s'épiler intégralement le maillot, 48% des 25-34 ans (+22% en 10 ans) et 31% des 35-49 ans (+20% en 10 ans). Les motivations de l'épilation de l'intimité sont toutes autres que pour les jambes ou les aisselles. Si pour les membres "visibles", cela dépend d'une question de norme sociétale reliée de loin à la question de l'hygiène, l'épilation du pubis dépend plus de nos pratiques sexuelles ou de notre volonté de plaire à l'autre. Il est plus ou moins intégré que les pratiques de sexe oral sont plus "agréables" sur un pubis dénué de poil. Si, pour autant, les hommes admettent, en majorité, ne pas refuser un acte sexuel à cause des poils, dans ce cas précis, il est question d'englober la notion de "confiance" qui peut être attenante à une épilation "impeccable". 

 

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Le lien entre l'absence de poil et la séduction féminine

 
 
 
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Comme pour de nombreux sujets, la question de la pilosité dépend d'idées reçues ou de constructions mentales tenaces. On a laissé le privilège de la toison aux hommes alors que les femmes doivent se présenter douces et sans poil. 73% des femmes ont intégré cette idée selon laquelle la séduction de la gent masculine dépend de l'état de notre épilation. Pourtant, la nécessité de l'épilation ne concerne que 33% des hommes, pour les autres, ce n'est pas un critère primordial. 

D'où peut venir cette idée de pureté liée au poil ? Si l'on fait un petit tour dans l'histoire, on se rend rapidement compte que les poils ont souvent été reliés à une certaine idée de l'animalité et de l'impureté. On trouve les premiers témoignages de dépilation dès l'époque antique, en Egypte et en Mésopotamie. L'épilation restera une norme tout au long de l'histoire, des croisades jusqu'à la renaissance. Pour l'époque moderne, c'est à partir des années 50 - 60 que l'on va voir renaître un véritable intérêt pour l'épilation. Ce n'est donc pas le poids de quelques années qui pèse sur les poils, mais bien plusieurs millénaires d'histoires. Et, si les écrits prouvent que, de tout temps, l'humain a voulu se débarrasser de ses poils, difficile de changer les habitudes du jour au lendemain, confinement ou pas. 

Se pose également la question de la nécessité du poil, surtout dans la zone pubienne. Si les poils sont détestés par certains dans cette zone, ils sont considérés comme essentiels pour protéger d'éventuelles infections

Pour autant, nous ne sommes plus dans les normes des années 2000, qui prônaient l'épilation à outrance, les esprits se détendent sur la question du poil, même si certaines zones poilues peuvent provoquer un malaise (exemple des aisselles non épilées qui, lorsqu'elles sont visibles, mettent près de 57% des interlocuteurs mal à l'aise), certaines parties du corps commencent à bénéficier d'une certaine indulgence (sauf quand le soleil brille et que les jupes sont de sortie). Maintenant, il faut attendre de voir si l'influence du confinement va se pérenniser ou si ce n'est qu'un effet temporaire. 

 

 

Juliette Gour
Chef de rubrique Bien-Être & Beauté
Amoureuse de la K-beauté, Juliette est également une experte en skincare, vous dévoilant les secrets des masques et des nouvelles routines beauté adoptées par vos stars préférées. Suivez cette passionnée polyglotte pour une aventure pleine de découvertes, de bien-être et de conseils avisés qui vous guideront vers une vie épanouissante et captivante. C'est grâce à sa licence en science du langage que Juliette manie comme personne les modes de pensées des différentes cultures, ce qui la pousse à voyager et à découvrir les diverses façons de penser qui enrichissent son approche du monde.

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