Excision : quelles sont les conséquences de cette pratique violente sur la vie des femmes ?

Alice Legrand 27 mai 2024
Mis à jour le 31 mai 2024

Ces derniers mois, l'excision est au cœur de l'actualité. La récente volonté de dépénaliser cette pratique traumatisante en Gambie pose la question des conséquences physiques et psychologiques sur les femmes et jeunes filles victimes.

230 millions de filles et femmes seraient concernées par l'excision dans le monde. Si les chiffres restent flous car certains pays ne souhaitent pas communiquer de données à ce sujet, une chose est sûre : l'excision est une "coutume" qui n'est pas prête de disparaître.

Un récent rapport de l'Unicef à ce sujet indique que depuis 2016, les mutilations génitales féminines (MGF) ont augmenté de 15%. Et si en 2024, tout le monde sait désormais de quoi il s'agit, il ne faut pas penser que cette pratique est lointaine et qu'elle ne concerne que les pays d'Afrique très attachés à leurs traditions. Non, c'est une problématique qui concerne aussi de nombreuses femmes en France : 125 000 personnes seraient concernées.

Si la lutte des associations pour le droit des femmes est intense, dans certains pays, on assiste à une régression capitale : en Gambie par exemple, les mutilations génitales féminines, pourtant interdites depuis 2015, sont en passe de redevenir légales suite à un vote favorable de la part des députés. Alors nous avons demandé à la docteure Ghada Hatem, fondatrice de la Maison des femmes, de nous éclairer au sujet de l'impact considérable que peut avoir cette pratique violente sur la vie d'une victime.

Quelles sont les conséquences physiques et psychologiques de l'excision sur les femmes ?

Sur les 230 millions de femmes excisées dans le monde, on ne comptabilise malheureusement pas celles qui ont succombé à cette mutilation génitale, comme cette jeune fille de 12 ans, décédée en Égypte. Que ce soit à cause du choc douloureux ou par hémoragie massive, le risque de décès après cette opération existe ! Souvent effectuée par la famille, parfois sans respecter les règles d'hygiène, les complications à la suite de cette opération sont très fréquentes.

La cicatrisation à cet endroit est un procesus long. Ghada Hatem explique : "Cette modification corporelle peut entraîner des douleurs, des kystes, des infections et un risque accru de maladies sexuellement transmissibles. Mais les conséquences sont également sexuelles, avec une absence de désir et de plaisir, des douleurs lors des rapports et de la sécheresse vaginale". L'excision entraîne aussi des conséquences psychiques, comme "une mauvaise estime de soi, de la honte, du dégoût, une dépression et un manque de confiance en soi".

Comment la Maison des femmes œuvre pour soutenir les victimes de mutilations génitales et sexuelles féminines ?

En France, Ghada Hatem nous explique que les victimes sont accueillies dans des centres spécialisés, qui connaissent cette pathologie et peuvent la prendre en charge. "Mais avant, il faut avant que le diagnostic soit fait, que ce soit par un pédiatre, un gynécologue, un médecin généraliste ou une sage-femme", ajoute-t-elle.

La Maison des femmes, où la docteure officie, propose une prise en charge médicale, psychologique, sexuelle et chirurgicale (chirurgie réparatrice ou transposition du clitoris). Il existe également des groupes de parole et des ateliers d'amélioration de l'estime de soi, afin de travailler sur l'ensemble des conséquences de l'excision.

Comment l'excision peut-elle encore gagner du terrain en 2024 ?

Quelques avancées ont permis au monde de comprendre à quel point il fallait agir pour stopper l'excision et aider les victimes. Par exemple, au Soudan, les mutilations génitales féminines sont interdites depuis 2020. En Angleterre, une mère a été condamnée pour excision sur sa fille de 3 ans. Avec les réseaux sociaux, nombreuses sont les femmes à libérer la parole à ce sujet. Et cela permet à tous de comprendre la vraie réalité de cette "coutume" qui a la vie dure.

En effet, cette pratique est une tradition très ancienne "qui remonte sans doute aux pharaons" d'après Ghada Hatem. Elle nous explique : "La société n'a cessé de la valoriser, en disant que les femmes non excisées sont sales et qu'on ne peut pas les épouser". Alors forcément, cette pratique s'est ancrée profondément dans de très nombreux pays. En 2024, la lutte est compliquée puisqu'il est toujours très dificile de se débarrasser d'une tradition, "surtout quand elle correspond à une stratégie de contrôle du corps des femmes et que les dignitaires religieux font croire à la population qu'il s'agit d'une prescription divine", précise la Dr Hatem.

L'excision est interdite dans plus de 30 pays africains, mais la loi est rarement respectée. C'est le cas par exemple en Gambie, où même si l'excision est interdite depuis 2015, elle a continué d'être largement pratiquée jusqu'à l'année dernière. Mais comme depuis un an, elle est condamnée, le gouvernement souhaite la dépénalisée. Oui, c'est absurde. Et l'exemple de la Gambie n'est pas un cas isolé.

Quel est le futur de l'excision ? Comment agir à son échelle ?

La meilleure façon de lutter contre l'excision est la mise en oeuvre de programmes d'information et de prévention, travail déjà réalisé par de nombreuses associations. "Ces dernières essaient aussi de modifier les pratiques en offrant par exemple aux exciseuses d'autres opportunités professionnelles, comme la couture et la puériculture", nous précise Ghada Hatem.

Le futur de l'excision inquiète quand l'on constate la lenteur avec laquelle cette pratique recule. La Dr Hatem nous le rappelle : "Le Covid par exemple a réactivé la pratique car du fait de la pauvreté des familles, elles ont souhaité marier leurs filles afin d'avoir moins de bouches à nourrir, ou de bénéficier de finances, mais comme le mariage implique d'être excisée, un pic de mutilations a pu être observé". La pandémie a aussi figé les campagnes de sensibilisation, anéantissant des années d'effort.

En France, les parents sont punis et les exciseuses sont pourchassées et emprisonnées. De nombreuses associations militent et accompagnent. Mais évidemment, l'éradication ne pourra se faire que si les pays concernés réussissent à réellement interdire la pratique et à la punir. Il faut aussi faire évoluer les mentalités, et "faire comprendre aux hommes qu'ils doivent refuser d'épouser une femme excisée au lieu d'exiger qu'elle le soit pour les rassurer quant à leur fidélité et à leur propre viritilé", conclue Ghada Hatem.

 

Tags : violence, féminisme, santé, Femme, Santé Mentale, Santé Sexuelle

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