Coeur de pierre… Un reproche que vous avez déjà essuyé ou que vous avez balancé à quelqu'un qui semblait ne ressentir aucune émotion. De la colère, de la joie, de la tristesse, ou même de l’amour ? Rien. Votre interlocuteur ne verse aucune larme, ne s’exalte pas et se contente d’un sourire (au maximum). Vous, vous interprétez son comportement comme celui de quelqu’un d’indifférent, sans coeur, justement. Pourtant, vous ne savez pas ce que cette personne pense et ressent réellement au plus profond de son âme. Imaginez qu’à l’intérieur, elle est dévastée. Alors, pourquoi ne le montre-t-elle pas, vous demandez-vous ? Pourquoi ne partage-t-elle pas sa douleur ou son bonheur ? Et si elle était « phobique » de ses émotions ?

Passagères ou chroniques, fortes ou légères, les émotions comme l'amour ou la haine, le désir ou le mépris… les émotions partagent notre quotidien. Votre tartine qui tombe au sol du mauvais côté suffit à générer une rage folle le temps d’un instant, et cela a même le pouvoir de décider du destin de votre humeur pour le reste de la journée.

Phobique de ses propres émotions, c’est bizarre, non ? En réalité, il ne faut pas se méprendre. Évidemment, dans certaines situations (comme au travail), il est tout à fait normal de se maitriser et de se contrôler. Refouler ses émotions est une réaction typique de l’être humain afin de fuir la souffrance qu’elles provoquent parfois. Là où cette réaction devient une phobie néfaste, c’est lorsqu'elle se transforme en mécanisme systématique.

Toutes les émotions ont une importance dans notre vie. Elles doivent être accueillies et acceptées, au risque de conséquences peu souhaitables. Que vous soyez concernée personnellement ou non, comprenons ce qui pousse certaines personnes à refouler leurs émotions.

Enjoy,

Les Éclaireuses

 

Retenir ses émotions, mais comment est-ce possible ?

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Retenir ses émotions est bien plus complexe qu’on l’imagine. Il ne suffit pas de dire "pleure un bon coup" pour que la personne extériorise et se libère. En dessous de ce qui peut s’apparenter à une carapace, la personne a une peur, celle d’aller au bout d’un élan émotionnel qu’elle ne saurait contrôler. Alors elle s’interdit de ressentir une telle émotion.
Pourtant, que risque-t-elle ? Nous avons toutes déjà été submergées par nos émotions au moins une fois dans notre vie MINIMUM. Mais en première ligne, la peur du regard des autres. Encore aujourd’hui, on associe à tort certaines émotions à de la faiblesse. Un homme qui pleure n’est pas viril, une femme en colère sera traitée d’hystérique. Un homme en colère peut être considéré comme violent. Une femme triste est une pleurnicheuse. Alors sciemment, ou inconsciemment le plus souvent, on freine ses émotions. Et cela ne se limite pas uniquement aux émotions "négatives". Aussi surprenant que cela puisse paraître, certains contiennent leur joie, parce qu’un bonheur débordant fait "trop désordre".

 

D’où vient cette peur ?

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Il n’y a pas de phobie au hasard. On ne se réveille pas un beau matin en se disant "désormais, je ne montre plus ma souffrance". Bien souvent, il faut remonter à l’enfance. On observe que les "phobiques" en rapport avec la colère ont souvent été témoins de scènes violentes durant leur jeune âge (de violences conjugales pour la plupart). À cette époque, l’enfant a associé la colère à la méchanceté. Une fois adulte, il s’interdira d’exprimer sa propre colère. Cela deviendra même un réflexe, un mécanisme automatique et normal. Il ne s’en rendra certainement même pas compte, jusqu’au jour où il subira le fameux reproche du « coeur de pierre ». Cette confusion entre les émotions chez l’enfant peut avoir de réelles conséquences.

 

Le blocage d’un mécanisme pourtant naturel ?

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Pourtant, ressentir, exprimer son émoi est une fonction inhérente à l’être humain. C’est vrai, quand on se fait mal, le premier réflexe est de jurer pour exprimer sa colère, ou de pleurer pour exprimer sa douleur. Mais lorsque l’on contient ses émotions, l’élan émotionnel, aussi positif soit-il, est stoppé. Et la réaction chimique qui devrait se produire dans le cerveau est alors suspendue. Cette suspension inopinée va créer une charge qui restera prisonnière de notre corps. Le rejet de l’élan émotionnel a été intériorisé de telle sorte que rester de marbre est une chose banale et normale.

 

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Quels sont les risques ? 

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Aller contre le fonctionnement naturel de son corps n’est pas sans conséquence. Maintenir une émotion demande une extrême maitrise de soi, ce qui explique d’ailleurs qu’on associe souvent ce comportement aux pensées obsessionnelles. Parfois, faire fi de ses sentiments induit la consommation d’alcool, de médicaments ou de drogues, pouvant mener à une véritable addiction.

Les répercussions se constatent sur la santé mentale. Les émotions qui ne sont pas libérées envahissent l’esprit. Le risque, inévitable, est alors d’accumuler une surcharge émotionnelle, qui peut engendrer à terme une dépression, de l’anxiété, un stress émotionnel chronique.
L’émotion doit être évacuée. En la refoulant, on ne l’efface pas, on la freine simplement. Et un jour, elle peut ressortir, mais cette fois-ci à une puissance décuplée, comme l’eau qui s’évacuerait d’un barrage. Le jour où le barrage craque, l’eau retenue se décharge avec une force phénoménale.
Outre l’aspect mental, le physique aussi peut être impacté. Le corps somatise, c'est-à-dire qu'il traduit physiquement un conflit psychique. Les symptômes peuvent être a priori bénins et minimes : un point dans la poitrine, un mal de tête chronique, un mal de ventre, des contractions musculaires. Mais sur le long terme, l’inconfort est insoutenable.

Cela peut aussi avoir un impact sur le plan interrelationnel. Les émotions sont ce qui nous rend humains. Dénués de toute émotion, qu’est-ce qui nous différencie des animaux ? Dans nos rapports avec nos semblables, une personne sans émotion ne paraît pas avenante. Souvent, aussi, on exprime d’autres émotions à la place de celle qu’on s’interdit de ressentir. Vous avez forcément déjà rencontré quelqu’un qui camoufle sa peine sous une bonne couche d’humour. Mais ces masques émotionnels ne durent jamais éternellement.

Identifier, puis comprendre. Avant d’entamer une rééducation émotionnelle, il est primordial de parvenir à déterminer l’origine du problème. Il sera nécessaire de détricoter les couplages émotionnels construits par les phobiques, comme "je suis en colère, je suis méchant" ou "je suis triste, je suis pleurnichard". Nous avons toutes notre manière d’exprimer nos émotions, mais le plus important reste de savoir les accueillir.